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La France se met à l’heure de l’oenotourisme

FAITES un test. Parlez d’oenotourisme autour de vous et comptabilisez : une bonne moitié de vos interlocuteurs vous fera répéter ou vous regardera avec des yeux ronds. C’est dire si la notoriété de cette activité est encore balbutiante… Pourtant, la Route des vins de Bourgogne existe depuis les années 1970, celle des vins d’Alsace depuis 1953. Mais, en France, le tourisme viticole ne connaît de réel développement que depuis environ cinq ans. Un cas à part dans le paysage mondial.
Élevé au rang d’industrie en Australie et en Californie, où les fameuses « wineries » de la Napa Valley attirent près de 20 millions de personnes chaque année pour un chiffre d’affaires évalué à 300 millions de dollars, il a depuis longtemps convaincu nos voisins espagnols, portugais et italiens. L’Italie a même créé un observatoire de l’oenotourisme en 1999, pour mieux connaître son public.
Heureusement, la France pourrait bientôt combler son retard. Car la filière vitivinicole, globalement en crise, semble avoir pris conscience des multiples avantages de l’oenotourisme : augmentation des ventes en direct à la propriété, diversification des sources de revenu et fidélisation du client. Jean-Michel Cazes, propriétaire du grand cru classé de Lynch Bages, à Pauillac, a développé Bordeaux Saveurs, une entité regroupant notamment le Relais & Châteaux de Cordeillan-Bages, aujourd’hui dirigé par Thierry Marx, l’École du vin, une école de cuisine, une agence de voyage spécialisée dans les séjours thématiques autour du vin (golf et vin, architecture et vin) et le village de Bages. Une ruine il y a encore deux ans, qui compte aujourd’hui une boulangerie, un café-brasserie, des maisons d’habitation, des ateliers d’artistes contemporains et devrait compter prochainement une salle de cinéma et une médiathèque traitant de l’aspect culturel du vin…
Le vin, mais pas seulement
Au-delà de sa passion pour les vieilles pierres, l’homme a compris qu’il devait replacer le produit dans son environnement et le croiser avec d’autres univers comme la gastronomie ou l’art. Faire du vin un produit vivant, enraciné dans un terroir auquel le visiteur va s’attacher, et non plus un produit manufacturé aussi banal et indistinct qu’un gel douche… Associer art contemporain et vin, c’est aussi la démarche de Philippe Raoux, dont le Château d’Arsac est désormais un musée à ciel ouvert abritant les oeuvres de Niki de Saint Phalle, Bernard Pagès ou Jean-Paul Raynaud.
Mais Philippe Raoux a toujours un temps d’avance. Il vient donc d’ouvrir la Winery, un complexe oenotouristique d’envergure posé à l’entrée du Médoc sur un parc de 26 hectares. L’édifice en verre propose 2 000 références de vins français et étrangers dans sa boutique, un restaurant « bistronomique », des paniers pique-nique, un auditorium et des spectacles gratuits en plein air. Les visiteurs peuvent aussi prendre connaissance de leur « signe oenologique » (sur rendez-vous, 15 eur ), via une séance de dégustation de six vins à l’aveugle accompagnée de dix questions, censée déterminer leur caractère « esthète », « gourmand », « sensuel ». Une manière ludique d’orienter ensuite le client vers les vins qui lui correspondraient le mieux…

« C’est un formidable outil marketing et de fidélisation, reconnaît le fondateur. Notre but premier n’est pas de vendre immédiatement, sur place, mais d’alimenter notre fichier clients, de trouver les goûts de chacun pour qu’il se tourne ensuite naturellement vers l’un de nos canaux de vente, notamment la VPC. »

Une initiative privée qui ne l’empêche pas de travailler main dans la main avec les offices, comités régionaux et départementaux du tourisme qui ont tous, d’une manière générale, engagé des actions concrètes en partenariat avec les comités interprofessionnels de leur région respective. C’est ainsi que le Château d’Arsac (Médoc) se retrouve inclus dans le circuit « Art et Vin, itinéraire d’un amateur en Médoc », l’un des sept circuits clefs en main proposés par l’office du tourisme de Bordeaux, auxquels les plus grands noms de la région sont associés, du Château Smith Haut-Lafitte à Pape-Clément ou Carbonnieux.
Inter Rhône vient de publier le guide Tourisme et vignoble en vallée du Rhône (3 eur ) qui recense les 421 caveaux adhérents à sa charte « Côtes du Rhône, terroirs d’accueil ». Présence de points d’eau, de verres propres, de toilettes, mais aussi d’une solution d’hébergement ou de restauration sont mentionnés. Une base de données complète que l’on peut retrouver sur leur site Internet. Le comité interprofessionnel des vins de Bourgogne a lui aussi édité une carte de la Route des vins recensant, au dos, les 300 membres adhérents à la charte d’accueil de Vignes en caves.
Autant d’initiatives nécessaires, mais certainement pas suffisantes pour attirer une clientèle toujours avide d’originalité. « Les gens nous demandent souvent des produits qui n’existent pas encore », souligne André Deyrieux, créateur du premier site consacré à l’oenotourisme (www.winetourisminfrance.com) qui enregistre déjà 1 000 visiteurs par jour, moins d’un an après son lancement.

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